Justice pour Julien

Texte diffusé sur Canal Natio et signé “J.R.”

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23/11/2006

Le stade se vidait rapidement. Il faut avouer que l’équipe du Paris-Saint-Germain avait de nouveau fait une piètre performance footballistique en cette froide nuit de Novembre 2006, devant un stade vide. Les supporters en étaient, hélas, habitués et leur attaquant vedette Pauleta n’avait pas pu faire de miracle à lui tout seul. Une nouvelle défaite en Coupe d’Europe, face à un club non-européen… Les joies et miracles de l’UEFA. La foule quitta la tribune Boulogne plus rapidement que d’habitude, dépitée et se répandît dans les rues alentour. La colère et la déception pouvaient se lire sur les visages.

La police, comme à l’accoutumée, surveillait ces drôles d’énergumènes qui retournaient à leurs vies quotidiennes après cette parenthèse de quelques heures. Les supporters de l’Hapoel Tel-Aviv, eux, exultaient. Ils faisaient la fête et continuaient à provoquer leurs hôtes d’un soir. Drapeaux à l’effigie de l’état hébreux et chants à la gloire de leur club. La grande majorité des supporters du club parisien restait silencieuse devant cette jeunesse un peu trop exubérante et arrogante. Mais d’autres ne purent se laisser insulter de la sorte sans réagir. Quelques échauffourées éclatèrent de-ci-de-là, quelques claques au milieu de l’obscurité. Un début de pogrom ? Bien sûr que non. Un début d’incendie ? Non plus. Bien sûr que non. Une étincelle nocturne, un simple feu de paille.

C’est à ce moment-là que Yanniv A*, venu voir son équipe fétiche israélienne, provoqua avec ses amis quelques ultras parisiens. Mal leur en prît puisque ceux-ci réagirent avec plus de vigueur que les autres groupes précédemment croisés. Ses amis, après avoir copieusement injurié des fans parisiens, optèrent pour une fuite « stratégique » (selon l’un d’eux). Mais Yanniv, lui, ne comprît pas et resta sur place. Cette erreur de débutant lui en coûta, puisque une masse compacte s’amassait déjà au niveau de la porte Saint-Cloud, l’empêchant de fuir avec ses potes. Ce 16ème arrondissement qui lui semblait si sûr en temps normal, semblait changer de visage…

Il prit des baffes et fut injurié. Il se sentît probablement prit au piège. C’est à ce moment-là où – tel un mauvais navet hollywoodien – qu’un héros des temps moderne que l’on n’attendait plus, membre d’une minorité visible de surcroit, fit son apparition. Ce sauveur (non masqué), véritable escroc et flic pourri jusqu’à la moelle intervint de manière brouillonne. Il n’a rien à faire là, n’a ni brassard, ni fonction réelle. Rien, hormis ce pistolet qu’il braque en direction de la foule anonyme. Le bruit est à son apogée. Les cris, les invectives, le brouhaha ambiant, les klaxons, les voitures de la place, la tension. A.Granomort a probablement les oreilles qui bourdonnent. Il pensait que la vue de l’arme suffirait à faire fuir ces membres de la maudite Tribune Boulogne, ce dernier bastion blanc honni. Mais son air menaçant et son arme à feu ne semblait pas faire l’effet escompté. Au contraire même. Cela excite tous ces supporters.
 A cet instant, ses muscles se crispèrent et son doigt appuya sur la détente. Un coup de tonnerre assourdissant résonne sur la grande place parisienne. Une balle transperce un premier homme le blessant grièvement. Mais la balle continua sa dramatique trajectoire et faucha mortellement un second individu un peu plus loin.

Saloperie de balle.

Quatorze ans après, Antoine, qui a été porté aux nues par les médias subventionnés, est retombé dans l’anonymat. En effet, ce meurtrier a été révoqué de la Police seulement un an après cette tragique soirée, pour une toute autre affaire. Ce faux héros mais vrai mythomane avait escroqué son beau-père en lui subtilisant de l’argent puis avait menti à sa hiérarchie afin de se couvrir… Loin de l’image de justicier moderne que certains voulaient lui coller. Mais ni ces graves accusations (affaire qui avait débuté bien avant ce 23 novembre 2006) ni ses affirmations mensongères et contredites par la balistique ne devaient influer sur la décision de justice. Rien. Non-lieu.
Fin du bal.

Cette affaire était trop politique pour que l’on aboutisse à un semblant de véracité. Puis, un policier « black » qui tirait sur des supporters estampillés « fachos » afin de sauver la vie d’un jeune juif, ce n’était finalement que justice après tout. Une réponse à des siècles d’oppression. Un nouveau juste.

Alors que reste-t-il aujourd’hui ?
Un vide dans la vie de la famille et des proches de Julien mais aussi sûrement des questions sans réponse. Son équipe fétiche, qui depuis son rachat par des Qataris engrange les titres, mais en ayant vendu un peu de son âme. La tribune Boulogne n’existe plus et a été vidée de ses pensionnaires les plus fervents. La porte Saint-Cloud a retrouvé un semblant de calme bourgeois. Le policier meurtrier –qui porte bien ce nom de croque-mitaine – était devenu (semble-t-il) infirmier dans le sud de la France. Peut-être qu’il pensait qu’en sauvant des vies il s’absoudrait de son crime du mois de novembre 2006…
Désormais, les supporters Bleu & Rouge ne marchent plus le long de la rue du Commandant Guilbaud en mémoire de Julien. Nous n’entendons plus ces slogans demandant que « justice soit faite » résonner dans le quartier.
Alors finalement, que reste-t-il de tout ça? Un drame qui s’éloigne, de la tristesse qui s’estompe, de la colère qui s’efface. Seul le sentiment d’injustice reste prégnant.

Les gerbes de fleurs ont fané, les chants se sont tus, les souvenirs se sont ternis. Le temps a fait son œuvre.

Nous ne t’oublions pas Julien… tout du moins pas encore.

J.R.