Qui nous gouverne ?
Au moment où une partie du camp patriote se réjouit des premiers pas du gouvernement Barnier, il est temps de faire un petit tour de table et de regarder qui nous gouverne.
Ce tour de table vous est présenté par Quentin Douté, collaborateur aux éditions Saint Barthélemy et à la revue L’intransigeant.
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Michel Barnier, premier ministre
Le nouveau premier ministre est un Français de souche, fils d’un industriel franc-maçon et d’une catholique de gauche, et sa femme, contrairement à ce que son nom de jeune fille pourrait laisser supposer (Altmayer), n’est pas juive mais d’une famille catholique originaire de Moselle et, avant cela, de la Sarre (pour les sceptiques, son grand-père était général commandant d’une région militaire sous Vichy). C’est un pur politicien puisqu’il a commencé à 22 ans chargé de mission d’un ministre de Pompidou et conseiller général en Savoie ; c’est aussi un fidèle du parti gaulliste, dont il a suivi toute l’évolution depuis 1973 (UDR, RPR, UMP, LR). Jeune député, il a voté, contrairement à la majorité de son groupe, l’abolition de la peine de mort, mais plus conservateur sur les mœurs, il a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité et le remboursement de l’avortement ; de même, il votera plus tard contre le PACS. Ministre pour la première fois en 1993 dans le gouvernement Balladur, il est en charge de l’environnement et est à l’origine de la fiscalité écologique avec une taxe portant son nom visant les passagers des transports maritimes allant dans les espaces naturels protégés. Nommé en 1995 dans le gouvernement Juppé malgré son soutien à Balladur à la présidentielle, il est chargé des affaires européennes et participe à l’élaboration du traité d’Amsterdam : en effet, autre constante chez lui, il est ardemment européiste, ce qui lui vaut d’être nommé commissaire européen en 1999 et depuis lié à de nombreuses négociations de l’UE, notamment le traité de Lisbonne et le Brexit. Ministre des affaires étrangères de Jean-Pierre Raffarin en 2004-2005, il est mis en cause dans l’affaire du bombardement de Bouaké (Côte-d’Ivoire) en 2004 : il est soupçonné, avec Michèle Alliot-Marie et Dominique de Villepin, d’avoir utilisé des mercenaires biélorusses pour faire bombarder la base française (9 morts et 38 blessés dans nos rangs), rendant responsable l’armée ivoirienne, pour justifier le renversement du président ivoirien Laurent Gbagbo. Si la Cour de Justice de la République a abandonné les poursuites contre les trois anciens ministres en 2019, estimant que rien ne montrait leur implication, on peut néanmoins toujours se poser (et lui poser) la question de la responsabilité dans la mort de nos soldats. Ministre de l’agriculture de Sarkozy entre 2007 et 2009, il se concentre par la suite sur ses fonctions européennes. Candidat au congrès LR de 2021, il défend une ligne anti-immigration et défend même une certaine souveraineté sur la question face à l’UE : il n’en appelle pas moins à voter Macron au 2nd tour de la dernière présidentielle.
En résumé, c’est un vieux politicien professionnel de centre-droit très classique ; il n’en est pas moins responsable ou au moins complice de beaucoup de méfaits de l’UE, et son implication dans l’affaire de Bouaké est assez gênante. Par ailleurs, malgré ses votes passés, il dit maintenant de l’avortement, du mariage des invertis et de la PMA : « je serai un rempart pour qu’on préserve l’ensemble de ces droits acquis »… Enfin, il faut se souvenir ce qu’il disait en tant que ministre des affaires étrangères le 18 octobre 2004 à Jérusalem : « Nous affirmons notre intransigeance sur le terrorisme, intransigeance sur la sécurité et l’existence d’Israël, pays fondé par les Nations unies.
Nous considérons que quiconque conteste la légitimité d’Israël doit être condamné. […] Il n’y a aucune excuse, il n’y en aura jamais, s’agissant de l’antisémitisme, du racisme sous toutes ses formes et de la xénophobie ! C’est l’honneur de notre République française. C’est l’exigence du président de la République, il nous le rappelle chaque semaine, que de combattre ces actes, par la loi, par la répression et par l’éducation. […] J’ai présidé il y a quelques mois – c’était quelques semaines après ma nomination – une conférence de l’OSCE à Paris sur l’antisémitisme et le racisme sur Internet. Voilà les nouvelles formes de diffusion de la pensée antisémite ou raciste qu’il faut combattre, parce que ce sont des méthodes modernes que ces gens utilisent, et j’accueille avec beaucoup de satisfaction la récente annonce du président des États-Unis d’une loi permettant le contrôle de ces actes. Je crois qu’en effet chacun doit agir sur son territoire et être vigilant. […]
Nous continuerons à combattre dans notre société par la répression, par la loi, par l’éducation toutes ces formes de racisme et d’antisémitisme. »
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Didier Migaud, ministre de la Justice
Pas grand-chose à dire pour l’instant sur cet ancien député socialiste et président de la Cour des comptes puis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sinon qu’il fut conseiller de Ségolène Royal et proche de Laurent Fabius, ce qui, en plus de sa longue appartenance au PS, peut suffire pour disqualifier quelqu’un.
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Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur
Catholique vendéen longtemps membre du Mouvement Pour la France de Philippe de Villiers (avec lequel il a rompu en 2010 pour rejoindre l’UMP), il est un peu (jusqu’à preuve du contraire, ce qui peut vite arriver) la bonne surprise de ce gouvernement. Conservateur courageux sur les questions de société, anti-immigration et partisan d’une justice plus sévère, il y a néanmoins une ombre au tableau, ce qui explique qu’il puisse être ministre de la République malgré ce qu’il est : il a coécrit en 2021 une résolution au Sénat portant sur la « lutte contre toutes les formes d’antisémitisme ». « Hier, ces actes antisémites étaient principalement le fait d’une idéologie, celle de l’extrême droite. Aujourd’hui, un autre écosystème s’est mis en place, dans des territoires perdus de la République, gagnés par l’islamisme, des territoires où l’on ne peut plus enseigner la Shoah à l’école, des territoires où trop souvent nos compatriotes de confession juive se voient cracher au visage les mots de « sale juif » – aujourd’hui, au XXIe siècle ! […] hier comme aujourd’hui, un antisémite est un antisémite. Et face à l’antisémitisme, nous ne devons rien céder. » (discours au Sénat du 5 octobre 2021), bref le discours typique de cette droite sioniste obsédée par l’Islam.
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Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères
Centriste issu d’une famille démocrate-chrétienne (petit-fils de résistant), c’est un fervent adversaire de « l’extrême-droite » : « Nous ne nous sommes jamais compromis avec l’extrême droite et nous ne le ferons jamais. L’extrême droite européenne est isolée au Parlement européen derrière un cordon sanitaire qui est inviolable et qui doit le rester. » (entretien du 27 mai 2024). Sioniste convaincu sommant les députés d’extrême-gauche de condamner le Hamas, il se soucie néanmoins un peu plus que ses collègues de droite du sort des populations civiles victimes des bombardements israéliens. Très anti-russe, on peut néanmoins craindre jusqu’où il veut nous impliquer dans la guerre en Ukraine.
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Sébastien Lecornu, ministre des Armées
Gaulliste (petit-fils de résistant) passé opportunément au macronisme à sa nomination comme secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot en 2017, pistonné comme colonel de gendarmerie de réserve à 31 ans (il était le chef d’escadron de Benalla au moment de ses exploits), il a été visé par une enquête du Parquet National Financier (classée sans suite en 2023) pour prise illégale d’intérêts en tant que président du conseil départemental de l’Eure. Soutien de l’Ukraine, il avait néanmoins assuré qu’il n’était pas question d’envoyer des troupes au sol : il faudra veiller au respect de cette promesse. Favorable à Israël notamment face à l’Iran, il dit là encore être contre l’escalade : s’il a nous a fait participer à la défense de l’État sioniste face aux missiles iraniens, il dément avoir vendu des armes à Israël contre Gaza.
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Rachida Dati, ministre de la Culture
L’ancienne ministre algéro-marocaine de Sarkozy, musulmane qui va à la messe le dimanche malgré une vie privée très dissolue, est mise en cause pour ses liens avec le groupe Renault-Nissan du temps où il était dirigé par le corrompu libano-brésilien Carlos Ghosn : elle est soupçonnée de corruption, trafic d’influence et recel d’abus de pouvoir en tant que député européen ; on peut noter aussi des liens troubles avec les sociétés Total et GDF Suez (devenue Engie), mais aussi avec le Qatar et l’Azerbaïdjan, allant jusqu’à chercher à dissuader les députés LR de condamner l’agression azérie contre l’Arménie. Comme ministre de la Culture, elle s’est déjà « illustrée » par son projet de vitraux d’art contemporain pour Notre-Dame de Paris…
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Agnès Pannier-Runacher, ministre de l’Ecologie
Macroniste de gauche, elle a été plus ferme que beaucoup de ses collègues sur le « front républicain » aux dernières législatives. Néanmoins, pro-nucléaire, mise en cause pour ses liens avec la société pétrolière Perenco (dont son père a été l’administrateur), elle n’a rien d’une écologiste fanatique.
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Geneviève Darrieussecq, ministre de la Santé
Cette élue centriste, médecin de son état, a fait partie, comme ministre déléguée, de ceux qui étaient aux commandes pour vacciner massivement la population au moment du Covid : ces choses-là ne doivent pas s’oublier.
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Agnès Canayer, ministre déléguée de la Famille
Cette sénatrice de centre-droit avait proposé l’interdiction des traitements hormonaux et des opérations de réattribution sexuelle pour les mineurs, ainsi que l’encadrement de leur accès aux bloqueurs de puberté, ce qui est un très bon point pour son poste ; elle a néanmoins aussi défendu l’inscription de l’avortement dans la constitution.
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Benjamin Haddad, ministre délégué de l’Europe
Juif séfarade tunisien, cet enseignant de Sciences Po fait partie de groupes de réflexion américains notamment l’Atlantic Council. Ancien partisan de son coreligionnaire Jean-François Copé au sein de l’UMP, il est dès 2017 le représentant du parti macroniste à Washington. Soutien de l’Ukraine, c’est surtout un sioniste fanatique hostile aux cessez-le-feu et allant bien au-delà de la ligne diplomatique officielle française. En bref, on se demande ce qu’il peut bien connaître à l’Europe…
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Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement
Cette macroniste est une ancienne sarkozyste ayant quitté LR en opposition à François Fillon car « la manif pour tous, ce n’est pas ma France »… Critiquée par la gauche pour avoir fort justement fait le lien entre insécurité et immigration, elle a néanmoins affirmé que jamais elle n’appellerait à voter pour le RN, de même que pour LFI.
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Conclusion
Le nouveau gouvernement est incontestablement plus à droite que les précédents, il est peu probable qu’il soit à l’initiative de grandes réformes dites « de société », même si, la gauche peut se rassurer, il ne reviendra jamais sur ce qui a déjà été voté. Il est probable qu’il soit plus investi sur les questions de sécurité et d’immigration, avec sûrement des mesures anti-islam (contre le voile, etc.) mais il sera aussi sans aucune complaisance pour la tendance anti-sioniste de « l’extrême-droite » (les sionistes de nos milieux pourront sans doute en revanche dormir tranquilles). Assimilant l’antisémitisme et l’anti-sionisme à l’islamisme, il est possible qu’il tape fort sur ces sujets. Sa politique étrangère est aussi à surveiller, notamment le degré d’implication dans les conflits en Ukraine et au Proche-Orient.